Benoît XVI rappelle à l'Afrique qu'elle est le Continent de l'Espérance
L’Afrique est au centre du Pontificat de Benoît XVI comme le témoignent les deux voyages
que le Saint-Père a voulu faire en terre d’Afrique, la convocation de la deuxième
assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques et l’Exhortation apostolique
Africae munus qu’il a remise aux chrétiens d’Afrique à Ouidah, au Bénin, le 19 novembre
dernier.
Le Pape voit le continent africain comme “le poumon spiritual de l’humanité”
et considère que sa vision de la vie prédispose à « entendre et à recevoir le message
du Christ et comprendre le mystère de l’Eglise » (Exhortation apostolique Africae
munus).
Parmi les priorités indiquées dans cette Exhortation apostolique, nombreuses
sont celles qui concernent les fidèles laïcs, les invitant à un regain d’engagement
au sein de l’Eglise et dans la société civile. En continuité avec les congrès organisés
jusque-là dans d’autres continents, le Conseil Pontifical pour les Laïcs organise
à Yaoundé, au Cameroun, le deuxième Congrès panafricain des laïcs catholiques, qui
se tient jusqu'au 9 septembre sur le thème : « Etre témoins de Jésus-Christ en Afrique
aujourd’hui ».
La richesse culturelle et spirituelle de l'Afrique est menacée
Benoît
XVI leur a fait parvenir un message. Le Pape se dit conscient que les valeurs traditionnelles
les plus valables de la culture africaine sont aujourd’hui menacées par la sécularisation,
qui provoque désorientation, lacérations dans le tissu personnel et social, exaspération
du tribalisme, violence, corruption dans la vie publique, humiliation et exploitation
des femmes et des enfants, croissance de la misère et de la faim. À ceci s’ajoute
aussi l’ombre du terrorisme fondamentaliste qui a pris récemment pour cible les communautés
chrétiennes de certains pays africains.
Mais Benoît XVI se dit cependant confiant
car, selon lui, au cœur des peuples africains, nous découvrons une grande richesse
de ressources spirituelles précieuses pour notre temps. L’amour pour la vie et pour
la famille, le sens de la joie et du partage, l’enthousiasme de vivre la foi. Et dès
lors le Pape encourage les africains à ne jamais se laisser dévorer par la sombre
mentalité relativiste et nihiliste qui touche diverses parties de notre monde.
Voici
le texte intégral du message du Pape :
À Monsieur le Cardinal Stanisław
Ryłko Président du Conseil pontifical pour les Laïcs
Je suis
heureux de vous adresser ma cordiale pensée à vous, Vénéré Frère, aux Cardinaux, aux
évêques, aux prêtres, aux personnes consacrées, et particulièrement à tous les fidèles
laïcs réunis à Yaoundé du 4 au 9 septembre pour l’important Congrès des laïcs catholiques
de l’Afrique, organisé par le Conseil pontifical pour les Laïcs avec l’appui de la
Conférence épiscopale du Cameroun, sur le thème : « Témoins de Jésus Christ en Afrique
aujourd’hui. Sel de la terre … lumière du monde (Mt 5, 13.14) ». Le thème rappelle
délibérément l’Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus, qui porte comme
sous-titre la même citation tirée de l’Évangile de Saint Matthieu : « Vous êtes le
sel de la terre … Vous êtes la lumière du monde ». En remettant personnellement cet
important document aux évêques de l’Afrique à Cotonou, le 20 novembre de l’année dernière,
j’ai voulu offrir quelques lignes théologiques et pastorales pour le cheminement de
l’Église dans le Continent. Votre Congrès se présente comme une étape significative
pour réaliser ce que l’Esprit Saint a inspiré aux Pères synodaux lors de la deuxième
Assemblée spéciale pour l’Afrique, célébrée en octobre 2009 à Rome. À Cotonou, j’ai
exprimé le souhait que l’Exhortation Africae munus serve de guide surtout pour l’annonce
de l’Évangile à travers l’engagement de tout le Peuple de Dieu. C’est pourquoi, j’ai
appris avec satisfaction l’initiative du Conseil pontifical de convoquer un Congrès
consacré aux fidèles laïcs africains, appelés spécialement de nos jours à un travail
toujours plus intense dans la vigne du Seigneur (cf. Jean-Paul II, Exhort. ap. Christifideles
laici, n. 2). Lors de mes voyages dans le Continent, j’ai affirmé, en diverses
occasions, que l’Afrique est appelée à être le « Continent de l’Espérance ». Ce n’était
pas des paroles de circonstance, mais elles indiquaient l’horizon lumineux qui s’ouvre
au regard de la foi. Certes, à première vue, les problèmes de l’Afrique apparaissent
graves et difficiles à résoudre, et non seulement pour les difficultés matérielles,
mais également pour les obstacles spirituels et moraux que l’Église rencontre aussi.
En outre, il est vrai que même les valeurs traditionnelles les plus valables de la
culture africaine sont aujourd’hui menacées par la sécularisation, qui provoque désorientation,
lacérations dans le tissu personnel et social, exaspération du tribalisme, violence,
corruption dans la vie publique, humiliation et exploitation des femmes et des enfants,
croissance de la misère et de la faim. À ceci s’ajoute aussi l’ombre du terrorisme
fondamentaliste qui a pris récemment pour cible les communautés chrétiennes de certains
pays africains. Si, cependant, avec un regard plus profond, nous regardons au cœur
des peuples africains, nous découvrons une grande richesse de ressources spirituelles
précieuses pour notre temps. L’amour pour la vie et pour la famille, le sens de la
joie et du partage, l’enthousiasme de vivre la foi dans le Seigneur, que j’ai pu constater
lors de mes voyages africains, sont encore gravés dans mon cœur. Ne laissez jamais
la sombre mentalité relativiste et nihiliste qui touche diverses parties de notre
monde, ouvrir une brèche dans votre réalité ! Accueillez et répandez avec une force
renouvelée le message de joie et d’espérance qu’apporte le Christ, message capable
de purifier et de renforcer les grandes valeurs de vos cultures. C’est pourquoi, dans
l’Encyclique Spe salvi, j’ai voulu présenter la sainte soudanaise Joséphine Bakhita
comme témoin d’espérance (cf. n. 3), pour montrer comment la rencontre avec le Dieu
de Jésus Christ est capable de transformer en profondeur tout être humain, même dans
les conditions les plus pauvres – Bakhita était une esclave – pour lui donner la dignité
suprême de fils de Dieu. Justement, « par la connaissance de cette espérance, elle
était “rachetée”, elle ne se sentait plus une esclave, mais une fille de Dieu libre
» (ibidem). Et la découverte de l’espérance chrétienne suscita en elle un nouveau
et irrépressible désir : « la libération qu’elle avait obtenue à travers la rencontre
avec le Dieu de Jésus Christ, elle se sentait le devoir de l’étendre, elle devait
la donner aussi aux autres, au plus grand nombre de personnes possible. L’espérance,
qui était née pour elle et qui l’avait “rachetée”, elle ne pouvait pas la garder pour
elle; cette espérance devait rejoindre beaucoup de personnes, elle devait rejoindre
tout le monde » (ibidem). La rencontre avec le Christ donne l’élan pour surmonter
même les difficultés apparemment les plus insurmontables. C’est l’expérience de sainte
Bakhita, mais c’est aussi l’expérience que beaucoup de jeunes africains – grâce à
Dieu, la grande majorité de la population – sont appelés à vivre aujourd’hui dans
la suite fidèle du Seigneur. Rendre l’Afrique « Continent de l’Espérance » est un
engagement qui doit orienter la mission des fidèles laïcs africains aujourd’hui, de
même que le Congrès lui-même que vous célébrez. Dans cette perspective,
votre assise constitue un moment significatif dans la préparation de deux événements
ecclésiaux d’envergure universelle désormais imminents : le Synode des Évêques sur
la nouvelle évangélisation et l’« Année de la foi ». À Cotonou, en remettant l’Exhortation
Africae munus, j’ai rappelé que « tous ceux qui ont reçu ce don merveilleux de la
foi, ce don de la rencontre avec le Seigneur ressuscité, ressentent aussi le besoin
de l’annoncer aux autres » (Homélie de la messe au Stade de l’amitié, Cotonou-Bénin,
20 novembre 2011). La mission naît en effet de la foi, don de Dieu à accueillir, à
nourrir et à approfondir car « nous ne pouvons pas accepter que le sel devienne insipide
et que la lumière soit tenue cachée » (Motu proprio Porta fidei, n. 3). La priorité
de la foi a naturellement un sens plus logique que chronologique. En effet, l’accueil
de ce don divin va de pair avec l’élan pour l’annonce de l’Évangile, dans une sorte
de « cercle vertueux », où la foi pousse à l’annonce et l’annonce renforce la foi
: « En effet, la foi grandit quand elle est vécue comme une expérience d’un amour
reçu et quand elle est communiquée comme une expérience de grâce et de joie » (ibid.,
n. 7). Vraiment, « la foi s’affermit lorsqu’on la donne ! », selon les paroles inoubliables
du bienheureux Jean-Paul II (Lettr. enc. Redemptoris Missio, n. 2). Enfin,
j’aimerais rappeler quelques paroles du Serviteur de Dieu Paul VI, fidèle interprète
du Concile : « Évangéliser, pour l’Église, c’est porter la Bonne Nouvelle dans tous
les milieux de l’humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve
l’humanité elle-même » (Exhort. apost. Evangelii nuntiandi, n. 18). Dans cette œuvre
de transformation de toute la société, tellement urgente pour l’Afrique d’aujourd’hui,
les fidèles laïcs ont un rôle irremplaçable : « Par ses membres laïcs, l’Église se
rend présente et active dans la vie du monde. Les laïcs ont un grand rôle à jouer
dans l’Église et dans la société. […] En effet, ils sont des “ambassadeurs du Christ”
(2 Co 5, 20) dans l’espace public, au cœur du monde » (Exhort. apost. post-synodale
Africae munus, n. 128). Femmes et hommes, jeunes, personnes âgées et enfants, familles
et sociétés entières, toute l’Afrique attend aujourd’hui les « ambassadeurs » de la
Bonne Nouvelle, fidèles laïcs issus des paroisses, des Communautés Ecclésiales Vivantes,
des mouvements ecclésiaux et des communautés nouvelles, amoureux du Christ et de l’Église,
pleins de joie et de reconnaissance pour le Baptême qu’ils ont reçu, artisans courageux
de paix et annonciateurs d’une espérance authentique. Confiant le Congrès
à l’intercession bienveillante et maternelle de la Bienheureuse Vierge Marie, qui,
comme le mentionne la prière de votre Congrès, est « Notre-Dame d’Afrique, Reine de
la Paix et Étoile de la nouvelle Évangélisation », j’accorde volontiers à tous les
participants la Bénédiction Apostolique. De Castel Gandolfo, le 10 août
2012.