Le gouvernement colombien prépare l’intégration politique des FARC
Entretien - En Colombie, la Cour constitutionnelle du pays a approuvé mercredi
le Cadre juridique pour la paix voté par le Congrès en 2012. Cette loi permet de fixer
le sort des guérilleros des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). La
plupart de ces combattants ne seraient pas poursuivis par la justice. Cette décision
de la cour suprême du pays intervient alors que les négociateurs du gouvernement et
des FARC poursuivent leurs discussions à La Havane dans la plus grande discrétion.
Joint par Xavier Sartre, Daniel Pécaut, directeur d’études à l’Ecole des Hautes
Etudes, revient sur ce texte de loi
« Il
s’agit d’un cadre juridique permettant de fixer le sort des guérilleros qui seraient
démobilisés », sur le modèle de ce qui avait été voté en 2006 pour les paramilitaires,
explique le spécialiste de la Colombie. Ce texte permettra de déroger à la justice
ordinaire « de manière à ce que les responsables des plus grands crimes, comme des
crimes contre l’humanité, soient punis ». Cette loi prépare donc la démobilisation
des combattants des FARC et leur participation à la vie politique en cas d’accord
politique entre le gouvernement et la guérilla. Malgré un texte qui leur est apparemment
favorable, les FARC l’ont rejeté, arguant qu’elles n’avaient pas été consultées.
Avec
cette loi, le président Santos montre bien son intention d’aller de l’avant et de
poursuivre coûte que coûte les négociations à La Havane. Il doit faire face cependant
à une forte opposition, les FARC ne comptant que très peu de soutien au sein de la
population colombienne. Il doit composer également avec l’opposition de son prédécesseur,
Alvaro Uribe, partisan de la fermeté pendant ses deux mandats à la tête du pays. «
Une grande partie de l’opinion voit d’un mauvais œil le fait que les FARC puissent
arriver à un accord sans recevoir les peines qui devraient théoriquement être fixées
» précise Daniel Pécaut.
Le gouvernement prêt à négocier avec l'ELN
Mais
Juan Manuel Santos « joue son va-tout, car, au cas où un accord serait signé, il est
probable que l’opinion se modifierait quelque peu et qu’il y aurait une majorité pour
approuver les accords. » D’autre part, « le gouvernement a annoncé qu’il soumettrait
à une consultation populaire dès les prochaines élections, dans le courant de l’année
prochaine, les accords qui seraient éventuellement conclus à La Havane. Le président
fait pression pour que les FARC concluent le plus rapidement possible un accord. »
Parallèlement à ces négociations avec les FARC, qui demeurent la principale
guérilla du pays, le président Santos s’est dit prêt à discuter avec la seconde plus
ancienne rébellion, l’ELN (l’armée de libération nationale), d’essence guévariste.
Cette annonce est arrivée alors que l’ELN « semble donner enfin des signes de vouloir
discuter » avec les autorités. Pour le moment, l’ELN n’a pas donné suite à cette main
tendue. Pour le chercheur de l’Ecole des Hautes Etudes, « il faut voir dans quelle
mesure elle maintiendra les préalables qu’elle avait opposés jusqu’à maintenant à
toute négociation. L’ELN réclamait une vaste consultation de la société civile. Elle
demande aussi que le gouvernement agisse de manière souveraine dans le domaine du
pétrole et des ressources minières ». Selon le directeur d’études, une négociation
sur ce dernier point n’est pas impossible.
Photo : le négociateur pour
les FARC Pablo Catatumbo, à la Havane, le 28 août dernier.